Sur la corde raide Penser les modalités de formation en prévention de la radicalisation violente


É.Bourgeois-Guérin, C. Rousseau, G. Hassan et V. Michalon-Brodeur (2019)

L'Autre

vol. 20 | 184-192

La problématique de la radicalisation violente interpelle de plus en plus le champ politique qui y répond par des plans d’action consistant souvent en une multiplication de programmes, visant à la prévenir et/ou à la traiter et la mise en place de formations s’adressant aux services de sécurité ou aux acteurs du champ social. Au Québec, le gouvernement s’est doté d’un plan d’action (Gouvernement du Québec 2015) qui comprenait notamment le développement de formations sur la prévention de la radicalisation violente, destinées aux intervenants des milieux de la santé et de l’éducation, un volet qui a été confié au centre de recherche SHERPA (Montréal, Québec) par le ministère de la santé et des services sociaux ainsi que le ministère de l’éducation.

À notre connaissance, bien que la pertinence d’offrir de la formation en matière de prévention de la radicalisation violente aux acteurs des milieux de la santé et de l’éducation soit relevée par plusieurs études (Ranstorp & al. 2016, Robinson & al. 2017), peu s’attardent sur les contenus de ces formations et encore plus rares sont les écrits qui en évaluent l’impact. Les formations portant sur la prévention de la radicalisation violente sont ainsi prônées mais peu évaluées : cette faiblesse concerne la plupart des programmes de prévention de la radicalisation violente, dont l’efficacité reste à démontrer (Bossong 2012, Lum & al. 2006, Horgan & al. 2010, Ris & al. 2017).

Dans le cadre de cet article, la portée des formations menées par le centre de recherche SHERPA sera discutée. L’évaluation de ces formations, que nous décrirons ci-après, suggère que celles-ci deviennent un lieu où se jouent différents mouvements de polarisation au sein du groupe de participants autour de certains sujets. Le travail d’accompagnement du groupe par les formateurs devient alors un enjeu de premier plan pour éviter les clivages, la circulation de blâmes démobilisants et pour promouvoir un sentiment de compétence chez les participants.

D’une part, cet article décrit les processus groupaux documentés par le biais de l’observation participante. D’autre part, il examine les déclencheurs et analyse les stratégies qui permettent aux participants et aux formateurs de contenir les affects et de transformer les tensions en occasion d’apprentissage. Finalement, les résultats qualitatifs de l’observation participante servent d’amorce à une réflexion qui, en croisant les notions d’incertitude et d’angoisse, donne matière à penser aussi bien le phénomène de la radicalisation violente que celui de sa construction en objet de savoir.

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