Description du projet
En réponse à la mesure 2.8 du Plan d’action gouvernemental 2015-2018 La radicalisation au Québec : agir, prévenir, détecter et vivre ensemble, des chercheurs cliniciens de SHERPA ont élaboré et évalué les retombées d’une formation qui se penche sur une thématique sensible, fortement médiatisée qui fait l’objet de débats sociaux souvent polarisés: la radicalisation violente chez les jeunes au Québec.
Ce phénomène est abordé selon une approche critique, réflexive et antidiscriminatoire qui met l’accent sur les rapports intercommunautaires, ainsi que sur la présence de facteurs d’exclusion, de discrimination et de racisme. Ses dimensions cognitives, mais également émotives sont abordées. La formation vise, largement, à favoriser le développement d’une conscience de l’autre complexe et à accroître la sécurité des jeunes. Elle vise aussi à transmettre les savoirs au sujet de l’efficience des interventions et de leurs limites.
Un module général ou bloc commun (3h) : « comprendre pour mieux prévenir: la radicalisation violente chez les jeunes », propose un aperçu conceptuel et contextuel tiré des dernières recherches sur le sujet, notamment au Québec; facteurs de risque et de protection; pistes de prévention, rôle des médias. Les modules complémentaires abordent l’intervention clinique, la prévention, l’accompagnement des familles et la façon d’aborder des sujets sensibles auprès des élèves.
Objectifs : Développer et évaluer des formations pour les intervenants psychosociaux du réseau de la santé et pour les intervenants du réseau de l’éducation
L’évaluation des formations s’articulait autour des objectifs suivants :
- Déterminer le degré de satisfaction des participants par rapport (1) aux contenus (2) à la forme et (3) aux interactions liées aux formations.
- Cerner les attitudes des participants vis-à-vis différents enjeux liés à la radicalisation violente et documenter l’impact de la formation sur les attitudes.
- Évaluer le sentiment de compétence des participants, c’est-à-dire leur impression d’être capables (1) d’évaluer une situation à risque et de trouver les ressources nécessaires le cas échéant et (2) de formuler/participer à une activité de prévention appropriée à leur champ de compétences.
Méthodologie : Les formations ont été évaluées en méthode mixte. L’évaluation des formations reposait sur trois volets : la passation d’un court questionnaire, l’observation participante et la tenue de groupes de discussions. Le questionnaire utilisé dans le cadre de l’évaluation des formations s’inspirait, à quelques nuances près, du modèle d’enquête « Connaissances, Attitudes et Pratiques » (CAP), un modèle largement utilisé dans le champ de la santé primaire. Le questionnaire a été rempli par les participants avant et après la formation. L’observation participante a permis de noter les réactions verbales et non verbales des participants, de même que leurs interactions entre eux et avec les animateurs. Finalement, les participants ont été invités à participer à des groupes de discussions suite aux formations. Ces groupes de discussions s’articulaient autour de questions ouvertes portant sur (1) les attentes des participants vis-à-vis la formation (2) leurs impressions générales (3) leurs recommandations quant aux aspects à améliorer (3) et ceux sur lesquels miser (4) dans le futur. Les données recueillies ont fait l’objet d’une analyse qualitative et quantitative. Une rétroaction continue avec la pratique a permis d’ajuster au mieux les savoirs aux réalités locales et conjoncturelles.
Résultats : Un total de 270 professionnels, issus de différents milieux, ont participé aux seize formations offertes entre janvier et juin 2017 regroupant à chaque fois de 4 à 28 participants. Parmi eux, on retrouve une majorité de cliniciens (travailleurs sociaux, psychologues, autres cliniciens), de même qu’une grande proportion de personnes dans le milieu de l’éducation (enseignants, ressources pédagogiques).L’analyse des données tirées des questionnaires et des groupes de discussions permet de croire que les objectifs des formations ont été atteints. En grande majorité, les participants se sont dits satisfaits des formations, et ce, tant sur le plan des contenus et de la forme que des interactions. Les formations ont eu un impact significatif sur les attitudes des participants qui se sont globalement montrés moins inquiets vis-à-vis l’ampleur et la prise en charge du phénomène après les formations et moins polarisées dans leurs perspectives. Au-delà de leur fonction instructive, il semble donc que les formations aient aussi une portée rassurante. De plus, le sentiment de compétence des participants, lorsqu’il a fait l’objet d’une mesure pré-post, a également augmenté de façon significative à la suite de aux formations. Les résultats suggèrent donc que la formule adoptée pour les formations s’avère donc généralement efficace sur ces plans.
L’analyse des données issues des notes d’observation participante plaide en faveur d’un travail d’animation qui, au-delà de l’articulation de contenus spécifiques, repose également sur la prise en compte des réponses souvent affectives que ces contenus provoquent chez les participants. En effet, il semble que différents mouvements de polarisation se créent au sein du groupe de participants autour de thématiques délicates lors des formations. Ces zones de crispation suggèrent que la capacité à contenir l’incertitude et l’angoisse que génèrent les phénomènes de polarisation et leurs dérives violentes est un des défis principaux de ces formations.La formule d’animation en dyade semble ici particulièrement à propos dans la mesure où elle permet aux formateurs d’alterner entre une posture d’animation et d’observation. La charge affective soulevée par les contenus des formations laisse aussi deviner l’importance de prendre le temps d’aborder avec les participants les émotions que suscitent en eux certaines thématiques délicates avant de les présenter sous un angle plus théorique. Le recrutement des formateurs devra s’appuyer tant sur leur capacité à contenir les débordements que ces thématiques peuvent occasionner dans les groupes que sur leur capacité à aborder les contenus dans une optique de partage des savoirs.