Hamisultane, Sophie, Edward Ou Jin Lee, Josiane Le Gall, André Ho, Charlène Lusikila (2022, juin)
Revue Intervention
Numéro 155 / OTSTCFQ | 15 p.
Résumé
Durant le contexte de pandémie, nous avons entrepris avec les auteur.e.s de cette proposition une recherche préliminaire sur le racisme envers les personnes descendantes de migrants (PDM) asiatiques. Nous avons pris contact par l’entremise des médias sociaux avec un groupe qui s’est mobilisé durant cette période où le racisme envers les Asiatiques s’est amplifié dans la mesure où les premiers signes de la COVID-19 ont été identifiés en Chine. Pour cette recherche, nous avons effectué des consultations auprès de femmes descendantes de migrants (FDM) asiatiques au Québec. Au regard des résultats, et en nous appuyant de recherches antérieures sur l’héritage colonial concernant les PDM vietnamiens, nous proposerons une réflexion sur les effets du racisme, qui existaient bien avant la pandémie, dans la construction de soi des PDM asiatiques au Québec dans une visée de décolonisation des savoirs sur l’interculturalité en travail social.
Nous proposons une réflexion analytique basée sur les résultats de deux recherches qualitatives antérieures réalisées au Québec (Canada) portant sur des personnes descendantes de migrants. Dans le cadre d’interventions en contexte d’interculturalité, on doit rester à l’écoute parfois d’un silence des personnes racisées. Que signifie ce silence ? Nous montrons ici que le silence de ces personnes face à des micro-agressions récurrentes est une forme de résistance à l’exclusion qui conduit à la fois à renforcer des liens d’appartenance et à fragiliser un lien social global, cela dans un contexte macrosocial inscrit dans un processus sociohistorique. Dans cette perspective, il s’agira d’articuler les plans subjectif et social en faisant usage d’une approche théorique interdisciplinaire ainsi que d’une épistémologie et d’une méthodologie spécifique.
Dans nos sociétés contemporaines où l’individu est confronté à des exigences de performance et d’adaptabilité, et où l’idéal démocratique perdure, qu’en est-il des personnes faisant l’objet de racisme en milieu de travail ? Quelle parole leur donne-t-on ou comment cette parole se donne-t-elle ? Les milieux organisés se doivent de montrer des positions d’équité envers leurs employés, soutenant ainsi un idéal démocratique où chacun aurait les mêmes droits et libertés. Pour autant, les rapports de domination et d’oppression persistent. Parallèlement, dans ces milieux, le sujet affronte l’injonction implicite d’être efficace et autonome pour rester productif. Le sujet devient responsable de son intégration au sein du collectif et a la responsabilité de vivre « bien » ensemble au sein du milieu de travail. Notre article interroge l’autocensure des personnes faisant l’objet de racisme et ne pouvant le dire au risque de paraître improductives. Notre méthodologie de recherche révèle une clinique de l’interculturalité comme approche d’intervention interculturelle.
De l’implication interculturelle du chercheur à son objet
Éres | pp. 183-190
L’implication se pose, et s’insinue de manière complexe, dans nos réflexions et nos choix, en tant que chercheur. Elle nous apparaît dans sa complexité comme le contenant d’un ensemble de liens que nous avons avec l’objet de recherche, sa « naissance », sa construction, son cheminement, son devenir, en nous et hors de nous. L’implication est ce terme général qui « permet d’inclure toutes les relations…
Fortier, I.; Hamisultane, S.; , Ruelland, I.; Rhéaume, J et S. Beghdadi (2018)
Montréal : Presses de l'Université du Québec | 326 p.
Les pratiques de recherche et d’intervention dans le champ des sciences sociales sont assujetties à des changements structuraux et sociohistoriques majeurs dans nos sociétés. Des développements théoriques et méthodologiques issus, entre autres, de la psychologie sociale, de la sociologie et de l’anthropologie ont défini une approche clinique du social. Les pratiques qui en découlent peuvent être associées à des formes de résistance, voire à des réponses aux orientations et aux institutions sociales dominantes. Ce qui caractérise cette nouvelle approche est le travail de proximité avec les personnes et les groupes, la réponse à leur demande sociale et l’implication des intervenants.
Le présent ouvrage, qui présente les contributions de nombreux collaborateurs du Québec et d’ailleurs, témoigne de la vivacité et de la nécessité de la clinique en sciences sociales. Sont ainsi explorés les fondements théoriques et méthodologiques de la posture clinique, les pratiques d’intervention sociales éclairées – en particulier par des contributions brésiliennes – et les pratiques innovantes d’une recherche clinique du travail et des organisations.
Parmi les diverses analyses sociologiques qui croisent les problématiques concernant la construction de l’identité, l’immigration et les descendants de migrants, la recherche clinique en sciences sociales met le sujet au centre de sa réflexion. Elle examine les processus psychosociaux qui agissent le sujet social.
L’ouvrage rend compte du trouble dans l’interculturalité vécu de manière récurrente par des descendants de migrants — Vietnamiens en l’occurrence — nés en France. Cette interculturalité a trait à une double appartenance culturelle où se joue tant la complexité de leurs origines, liée à la migration, aux fantasmes des racines et aux fantômes de l’histoire généalogique, que le rapport socio-historique de la France à ses colonisés qui détermine les représentations collectives. Plus largement, ce livre témoigne du mal-être du sujet en tension, aux prises avec les exigences d’une culture d’origine — hiérarchique et holistique — transmise et l’exigence d’autonomie portée par la société occidentale.
Nous suivons deux histoires de vie, celles de Céline et de Nam, puis leurs échanges au sein d’un groupe interculturel institué, lieu d’une microsocialité française. Par une analyse en spirale au plus près de la réalité du sujet, l’auteure révèle les perspectives interdisciplinaires qu’offre une telle approche pour penser l’interculturalité, constituante du lien social.