Parler aux enfants de la violence du monde, à partir de l’ouvrage « L’Enfant Gazelle » de Stéphane Martelly, illustré par Albin Christen


Koukoui, S. (2018)

L'autre

19(2) | 244-247

Ce merveilleux conte, paru aux éditions Remue Ménage1, est un ouvrage tout en finesse à travers lequel l’auteur a le courage d’aborder une des tâches les plus délicates qu’un parent ait à faire : parler à son enfant de la violence du monde. Mais puisqu’il le faut, pour le protéger, l’auteur nous fait don de ce conte et nous accompagne avec une délicatesse et une profondeur, qui témoignent d’une réflexion mûrie et d’un grand amour des enfants. Comment  aborder ce sujet sensible avec les petits sans les angoisser, ni les brimer dans leurs élans, dans leurs pulsions de vie ? Sans induire de progression traumatique, comme un fruit devenu mûr trop vite pour avoir été confronté au réel (Ferenczi, 1933) ? Pour ce faire, l’auteur use brillamment de métaphores que le lecteur de tout âge comprendra à l’aulne de son développement. Et c’est là le génie de sa méthode.

Cette puissance d’évocation est décuplée par les créations picturales qui accompagnent le texte. Il s’agit des illustrations d’Albin Christen. La première page, noire, remémore à l’enfant son milieu originel : le ventre de sa mère, lieu des premiers échanges sensoriels, d’où il recevra un premier bain de parole. Puis il y a ces forces invisibles qui jalonnent le parcours de l’enfant et qui sont illustrées de façon magistrale : des tenailles légèrement anthropomorphisées en bras, pour symboliser l’oppression ; les barrières de métal qui représentent les obstacles ; les rouages complexes qui métaphorisent l’appareillage intriqué et pervers qu’est la violence systémique.