Accès aux soins des personnes trans migrantes : l’apport des services de soutien intégrés transaffirmatifs et intersectionnels


Bernal, J. F., Chbat, M., Hamila, A., León, A., Lee, E. O. J., & Chammas, G. (2024, novembre)
Écrire le social
Vol.1/ Num. 6 | p. 6-18

RÉSUMÉ

Ces dernières années la recherche en sciences sociales et en sciences de la santé sur les réalités des personnes trans [1] s’est significativement développée, abordant notamment des enjeux en lien avec les soins transaffirmatifs, la santé mentale et le soutien social (Marshall et al., 2019). Ces études soulignent les disparités de santé, en particulier sur le plan de la santé mentale, entre les personnes trans et les personnes cisgenres (Edmiston et al., 2016). Elles démontrent également que l’accès aux soins et aux services sociaux reste entravé pour les personnes trans en raison de pratiques institutionnelles excluantes et de discriminations de la part des prestataires de services sociaux et de santé (Kcomt, 2019). Cette réalité conduit souvent les personnes trans à retarder leur recherche des services de soutien craignant des formes de discriminations ou de mauvais traitements, qui se matérialisent notamment par le mégenrage et l’utilisation de formulaires d’admission présentant des catégorisations binaires (Bauer et al., 2009 ; Kcomt, 2019).

Néanmoins, pour survivre et naviguer dans le système de santé et des services sociaux institutionnels cisnormatifs, les personnes trans mobilisent une grande capacité de résilience individuelle et collective, qui est d’ailleurs documentée dans la littérature qui traite des jeunes trans (Pullen et al., 2020 ; Tourki et al., 2018). La mise en place de réseaux de soins communautaires établis par et pour les personnes trans est une autre des stratégies qui leur permettent de naviguer dans le système de santé et de services sociaux avec plus d’aisance, impactant positivement leur bien-être (Sherman et al., 2020 ; Kia et al., 2023). Ces études insistent toutefois sur les disparités qui existent au sein des communautés trans et sur l’importance de prendre en compte les complexités des différents sous-groupes, comme les personnes trans racisées et/ou migrantes (Kia et al., 2023) et porter plus d’attention aux enjeux en lien avec l’ethnicité, la culture, la racisation et la criminalisation (Marshall et al., 2019).

Parmi les quelques études qui se concentrent sur les personnes trans racisées et/ou migrantes, plusieurs suggèrent que ces populations rencontrent des obstacles pour accéder aux soins et aux services sociaux, non seulement en raison de leur identité et/ou expression de genre, mais également du fait de leur race/ethnicité, de leur statut migratoire, de leur situation socio-économique, de leurs capacités, etc. (Castro et al., 2022 ; Chan et al., 2022 ; Tourki et al., 2018). Un récent examen de la portée de la recherche sur les personnes trans migrantes met en évidence des obstacles particuliers à l’accès aux soins d’affirmation de genre et une exposition croisée à la stigmatisation et à la violence anti-trans et anti-immigrants (Castro et al., 2022), notamment pour les femmes trans latines sans papiers et/ou exerçant le travail du sexe (Rhodes et al., 2015 ; Yamanis et al., 2018). Dans une étude pancanadienne sur le bien-être des jeunes trans, les participant·es noir·es, autochtones et racisé·es ont signalé significativement plus de tentatives de suicide au cours de l’année écoulée (24,9 %), comparativement à leurs homologues blanches (19,6 %) (Chan et al., 2022). Les participant·es ont également signalé significativement plus de menaces ou de blessures avec une arme et des commentaires négatifs sur leur race (Chan et al., 2022). Jacob et Oswin (2023) ont constaté quant à eux que les demandeurs·euses d’asile trans au Canada rencontraient des obstacles pour accéder aux soins d’affirmation de genre en raison de la couverture santé limitée, des coûts financiers importants et des délais d’attente de leur audience, ce qui retarde leurs démarches pour entamer une transition médicale. Ainsi, ces études suggèrent qu’une approche intersectionnelle dans les services de soutien peut contribuer à lever certaines de ces barrières auxquelles sont confrontées spécifiquement les personnes trans migrantes.

Membres et équipe SHERPA

Ahmed Hamila

Ahmed Hamila

Professeur adjoint, Département de sociologie, Université de Montréal

Edward Ou Jin Lee

Professeur adjoint à l'École de travail social de l'Université de Montréal et titulaire de la Chaire Jean-Monbourquette sur le soutien social des personnes endeuillées